(5 février 2014)
16h00
“Pourquoi le Nigeria ? Avez-vous une lettre d’invitation d’un local ? Comment financez-vous ce voyage ? Où est votre visa pour le Cameroun ? Et votre billet retour pour la Belgique ?”
Je n’ai rien de tout ça ! Je ne pensais pas que le visa pour le Nigeria serait si compliqué à obtenir. J’ai du attendre plusieurs jours et même passer un entretien avant d’obtenir une autorisation de 72 heures sur le territoire !
Je ne perds pas de temps et je me dirige vers la gare, un mec que j’ai croisé, et qui apparemment connait bien la région, m’a conseillé de prendre le transport “Cotonou-Lagos” de 23h00.
Au Bénin, j’ai assisté à de nombreuses cérémonies voodou. J’ai eu la chance de rencontrer une des plus grande prêtresse du pays et quand je lui ai expliqué que je devais traverser le Nigeria par la route, elle m’a demandé le jour de passage et m’a promis de prier pour moi à ce moment là.
Y croire ou ne pas y croire, peu importe. Je ne refuse jamais une bénédiction. XXX
22h00
J’ai réservé ma place dans un transport pour Lagos. La nuit sera longue et il me reste une heure, je me dirige vers une buvette et je commande un café. Je commence à penser et mon esprit est rapidement ailleurs. La lumière des phares des voitures laisse apparaitre les ombres des passants. J’ai un flash, une hallucination, une de ces ombres s’approche de moi, sort un couteau et m’égorge. Au même moment, une personne me tappotte l’épaule et je sursaute.
“Vous allez vers le Nigeria ? Je vous vois avec votre grand sac bleu. Ecoutez moi, ne prenez pas ce transport, attendez celui de l’aube, vous arriverez à Lagos en matinée. Vous m’offrez votre grand sac bleu rempli de dollars, je n’irai pas à votre place !” me dit-il. Je jette un regard mon grand sac bleu et à peine la tête relevé, le monsieur est déjà partit. J’annule ma place pour 23h00 et j’attends 4h00 comme me l’a conseillé cet inconnu.
(6 février 2014)
04h00
La voiture est chargé, direction Lagos ! La frontière entre le Bénin et le Nigéria est une des plus difficiles au Monde d’après le chauffeur. Arrivé au poste frontière, tout le monde sort et présente ses documents d’identité. Je suis fatigué mais j’essaie de répondre correctement aux questions du douanier. On remonte dans la voiture et j’allume mon ipod. Tous les 10 mètres, un barrage de policier en civile (ou civil se prenant pour des policiers ?), ils sont tous armés et tiennent leurs armes prêts à tirer. La tension est palpable. Le conducteur descend, je le vois changer des francs CFA en monnaie locale. Je descends aussi, je dois aussi changer mon argent pour traverser le pays. J’ouvre la portière, sors et tous les autres passagers me font signe de remonter immédiatement dans la voiture. J’exécute et je donne l’argent au chauffeur, il le changera pour moi.
Tous ces contrôles me saoule. Il est 5h00 du mat’ et ça fait une heure que j’essaie d’écouter “Is this love” de Bob Marley mais ils ne me laissent pas aller jusqu’au bout. Je ne supporte pas regarder un film qui a déjà commencé et encore moins écouter une chanson déjà entamé, alors je relance “Is this love” encore et encore. On me fait de nouveau descendre de la voiture et cette fois-ci je dois vider mon sac-à-dos pour un contrôle, je descends et je vide mon “grand sac bleu”. En retournant vers la voiture, je vois mon passeport parterre, j’ai du le faire tomber en sortant de la voiture. J’inspire profondément et le ramasse. Je suis passé à coté du pire et je me dis qu’à partir de maintenant je dois rester vif et attentif. La moindre erreur pourrait m’être fatale.
Les gens dans la rue sont armées, je ne sais pas s’ils sont policiers ou militaires mais ils sont pour la plupart habillés en civile.
10h00
Nous arrivons à Lagos, une ville de plus de 30 millions d’habitants, qui me fait étrangement penser à Shanghai et Mumbai. Des gens qui sortent de partout, des infrastructures impressionnantes et un contraste constant entre modernité et misère. Tous les passagers du véhicules descendent à l’entrée de la ville, perso je continue jusqu’au terminus, une fois à la gare je chercherai un autre transport en direction de la frontière camerounaise.
Dans les rues de Lagos, je vois un homme assis en train de boire un café, il ressemble comme deux gouttes d’eau à un mec qui m’avait aidé en Guinée Conakry. Cela n’a aucun sens, mais voir son identique m’a un peu rassuré.
Le conducteur s’arrête dans une station essence en plein milieu d’un immense marché. Il me fait comprendre que c’est le terminus. Je descends et à peine un pied à terre que 7-8 gars m’entourent. “Montre moi ton passeport” me lança un des gars dans un anglais boiteux.
Ils avaient tous le regard sombre. Je regarde le chauffeur et il baisse la tête. Je me souviens de mon passeport au sol et je me dis que je ne peux pas le perdre ! Si je me retrouve bloqué” au Nigeria sans passeport, je suis mal ! Je lui dis qu’il n’est pas flic et j’ouvre rapidement mon passeport, lui montre mon visa, le referme et le cache aussitôt.
“Il est avec moi ! Laissez le !” cria un gars en s’approchant. C’était Claude, un congolais (Kinshasa) réfugié au Nigeria. Les mecs se sont dispersés et je reste avec Claude. Il m’offre de l’eau et on discute. Je lui explique que je dois me rendre au Cameroun mais il me fait comprendre que tous les transports sont déjà parti.
“H ! C’est H qu’i te faut, il a toujours des solutions pour tout le monde, attend je l’appelle.” me dit-il avec un grand sourire.
En moins de 5 minutes, H était à la station essence. H est long et fin. Il ne portait que des habits de marques et des bijoux en or. Pour ne pas se faire raquetter ici, il devait être important ou dangereux. Il parlait correctement français et avait tendance à répéter deux fois ses fins de phrase.
“J’ai tout ce qu’il te faut, tout ! Carte de vaccination? cachet d’entrée ? Ici tout se paie ! Tout se paie !” me dit-il tout en consultant sa montre. Je lui fait comprendre que je dois aller au Cameroun mais que je n’ai pas de visa d’entrée.
“Okay c’est par la mer que tu vas y aller. Au Nord, les blancs se font kidnapper. Suis-moi je vais te montrer un gars qui va t’emmener à Calabar. Un fois là bas, tu appelles Dra, il te fera passer la frontière, c’est un passeur. Il fait passer les gens en Angola, au Gabon et même parfois en Europe”. Me dit-il en me notant le numéro de “Dra” sur un morceau de carton qu’il ramassa.
Avant de monter dans le véhicule, il me conseilla d’aller au toilette et il m’escorta jusqu’à la porte. Nous avons ensuite été acheter des provisions pour la route, j’en aurai pour une trentaine d’heures.
De 10h à 22h
Beaucoup de contrôles, l’album de Bob Marley tourne en boucle dans mon ipod.
22h00
Un militaire nous arrête et nous fait descendre du véhicule.
“Vous êtes fou de vous déplacer avec un blanc dans la nuit ? Arrêtez vous dans 200 mètres, vous trouverez une gare sécurisé. Restez-y jusqu’à l’aube !” nous dit-il en pointant du doigt la route à prendre.
En montant dans la voiture, mon bracelet que j’ai reçu au temple de Shiva, à Varanasi se casse. Je ne l’avais jamais enlevé depuis deux ans. Wesh Shiva, ce n’est vraiment pas maintenant que tu vas me lâcher, je le rattrape avant qu’il ne touche le sol et et je l’attache à ma ceinture.
Un fois arrivée à la gare, on laisse nos sacs dans le véhicule et le chauffeur nous dirige vers un pièce qu’un des responsables des lieux lui a indiqué. Nous sommes deux à dormir dans cette pièce. Hugo, un gars qu’on a chopé sur la route, et moi-même.
(7 février 2014)
02h30
Je me réveille en sursaut, une femme est entrée dans la pièce. Sans me lever je l’observe. Elle retire son chapeau et ses chaussures et s’installe au fond de la pièce. Elle se met à prier. Petit à petit, elle augmente la cadence : De plus en plus vite et de plus en plus fort ! Elle se met même à pleurer ! Je tourne mon visage vers Hugo, il ne bouge pas mais il est certainement debout.
04h30
“Tu as entendu quelque chose cette nuit ?”
Il me répondit qu’il a entendu une femme prier et monter en trans mais qu’il ne savait pas dans quelle langue elle parlait. Nous étions en plein milieu de nul part !
– Je continue la suite de ma traversé du Nigeria demain, histoire de ne pas vous saoulé comme les douaniers l’ont fait avec moi –
Amour.